📢 L’IN180 a l’air séduisante : plus de coopératives, plus de logements… Vraiment ?
👉 En réalité, elle impose un modèle unique, inadapté et dangereux, avec des mécanismes extrêmes comme l’expropriation. Avant de voter, prenez le temps de vérifier. Lisez nos 7 arguments et voyez pourquoi la conclusion s’impose: NON à l’IN180.
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1. L’IN180 ne lutte pas contre la pénurie, aucun logement supplémentaire ne sera créé
L’initiative ne propose aucune mesure de lutte contre la pénurie de logements. Elle propose que des logements coopératifs soient créés en lieu et place de logements locatifs d’utilité publique (LUP).
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2. L’IN180 déstabilise la politique du logement et ne répond pas aux besoins de la population
Etant entendu que le droit au logement doit être garanti, en priorité, aux personnes disposant des revenus les plus modestes, nous constatons que les logements coopératifs ne répondent pas à ces besoins spécifiques, ne serait-ce qu’en raison de l’incongruité d’imaginer un achat de parts sociales de plusieurs dizaines de milliers de francs par des ménages recherchant des logements abordables et devant se soumettre, qui plus est, à un contrôle des revenus pour y accéder.
Il faut ensuite admettre que c’est la population genevoise, dans son ensemble, qui subit la pénurie de logements.
Imposer 11’000 logements coopératifs d’ici 2030 alors que l’on réalise en moyenne 2500 logements par année revient quasiment à ne construire de logements neufs que sous la seule forme de coopératives LUP.
Pourtant, la diversité des besoins variés des Genevois ne peut être niée, qu’ils cherchent à accéder à des logements subventionnés, à louer ou à acheter.
Ainsi, il est clair que l’initiative ne sert pas l’intérêt public de favoriser une politique du logement équilibrée et répondant aux besoins de l’ensemble de la population.
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3. L’IN180 concurrence la création de logements pour les personnes aux revenus modestes et siphonne les financements qui leur sont réservés
En réalité, l’initiative substitue des logements locatifs LUP par des logements coopératifs LUP. Ce faisant, elle accentue la concurrence entre les Fondations immobilières de droit public qui gèrent de manière rigoureuse les attributions et l’exploitation du parc de logements réservés aux personnes disposant des revenus les plus modestes, avec les promoteurs de coopératives que sont la CODAH et le Groupement des coopératives.
Dans ce contexte, il est choquant que le fonds LUP (35 millions par an), réservé jusqu’ici par le législateur afin d’assurer la construction de logements à destination des personnes aux revenus les plus modestes (dont les HBM), soit détourné par l’IN180 pour financer des logements coopératifs qui ne répondent pas à un but si essentiel de politique sociale. Il suffira de dire ici qu’il serait absurde de demander à un candidat à un logement LUP (par exemple HBM), d’acheter des parts sociales pour intégrer ce logement. Cela serait aussi illusoire qu’insensé.
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4. Préemptions ou expropriations ?
Alors que l’on construit à Genève, en moyenne, environ 2500 logements par an, l’initiative prévoit la réalisation de 11’000 logements coopératifs supplémentaires d’ici 2030. Cette énorme pression sur l’Etat le poussera à préempter systématiquement dans un mouvement d’étatisation du sol sans précédent.
Lorsque l’Etat ou la commune font usage de la préemption mais ne parviennent pas à se mettre d’accord sur le prix avec le propriétaire vendeur du terrain, une procédure d’expropriation est ouverte.
Ces dernières années, il est très fréquent que les autorités préemptrices contestent les prix des parcelles et entament des procédures d’expropriation du prix.
Ainsi, il est donc plus correct de parler d’expropriation que de préemption.
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5. Avec ses mesures conflictuelles, l’IN180 va ralentir la production de logements
L’usage de la préemption avec une expropriation du prix et de l’expropriation formelle est coercitif à l’extrême. Ce sont des mécanismes dont il ne faudrait faire usage qu’en dernier recours. Nous affirmons que ces mesures sont disproportionnées au regard de la situation. En l’état, il n’est pas légitime de déposséder les privés de leurs terrains pour les nationaliser et les remettre à des coopératives.
L’initiative va beaucoup trop loin.
Jusqu’ici, la loi générale sur les zones de développement (art. 4A LGZD) oblige les privés à construire certains types de logements. Que leurs proportions soient jugées adéquates ou pas, le législateur a convenu que cela apporte une réponse conforme à l’intérêt public genevois. Dès lors que le but souhaité est ainsi atteint, il n’est pas légitime de confisquer les terrains des privés.
La construction de logements sera ralentie car il est certain que les propriétaires touchés ne se laisseront pas faire. Cela déclenchera des avalanches de procédures judiciaires longues et fastidieuses, étant donné qu’en tant qu’instrument de dernier recours, l’expropriation garantit les droits les plus fondamentaux des propriétaires avec des mesures procédurales strictes.
A la suite de l’étatisation du sol, la création, l’attribution des droits de superficie et le montage des projets sera très long. Toute l’expérience genevoise démontre le manque d’agilité dans les cas de constructions sur des terrains publics. Ce type de projets souffrent de lenteurs chroniques.
En attendant, la pénurie de logements va s’aggraver…
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6. L’étrange coopérative souhaitée par l’initiative : Répond-elle à un besoin ?
Le logement coopératif issu de l’IN180 est finalement très étrange et cumule de multiples contraintes. Le niveau de complexité atteint par ce type de logement est complétement inédit, les règles de droit public et privé qui s’y appliquent sont multiples[1]. Les coopératives IN180 sont un nouveau modèle hybride : revenons ici sur ses spécificités.
L’institution de la coopérative
La société coopérative est propriétaire de l’immeuble.
L’habitant du logement coopératif dispose d’un droit d’usage qui s’apparente à un bail et il paie un loyer. Mais il doit aussi participer à des séances relatives à l’entretien de l’immeuble et à son usage et traiter de nombreux sujets en lien avec la propriété de l’immeuble.
Le paiement de parts sociales
Le droit d’usage d’un appartement coopératif n’est octroyé que si le coopérateur a acquis des parts sociales dont le montant varie en fonction de la valeur de l’immeuble et la taille de l’appartement. Pour y vivre, il faut verser entre CHF 20’000 et CHF 50’000 en moyenne selon le nombre de pièces. Ces parts devront être à nouveau cédées au départ de l’appartement, mais sans possibilité de plus-value autre que le renchérissement du coût de la vie.
Le droit de superficie et la rente de superficie
Les coopératives IN180 seraient construites sur des terrains en droits de superficie qui permettent d’ériger des immeubles sur des parcelles de l’Etat ou d’une commune pour une période allant de 30 à 100 ans. A l’échéance de ce droit, les immeubles reviennent en principe au propriétaire du terrain, moyennant une indemnité.
La rémunération du terrain en droit de superficie se fait par le biais de la perception d’une rente de superficie. Il s’agit du loyer du terrain.
Ce loyer du terrain renchérit d’autant les loyers des appartements.
Le contrôle des revenus et du taux d’occupation
L’initiative proposant uniquement la préemption, l’expropriation et l’usage du fonds LUP, cela impose la construction de logements d’utilité publique au sens de la LGL et de la LUP. Il est impossible de réaliser des coopératives à loyers libres.
Ainsi, pour accéder à un logement coopératif issu de l’initiative, le contrôle des revenus et du taux d’occupation sera obligatoire et viendra se cumuler à la nécessité d’acheter les parts sociales susmentionnées. Dès lors, l’entrée dans ces logements est restreinte et sélective.
L’impossibilité de transmettre le logement
En principe, les coopératives dont nous parlons à Genève, ne permettent pas une transmission directe de l’appartement, même à ses enfants. Cela s’avère compliqué et aléatoire.
Si l’on rajoute à cela les contraintes publiques liées aux contrôles des revenus et du taux d’occupation, l’on comprend que la transmission de l’appartement devient impossible.
L’ensemble de ces conditions interrogent très sérieusement sur l’intérêt de remplacer les logement locatifs LUP par des logements en coopérative LUP.
Nous ne voyons pas l’intérêt de la coopérative LUP telle que souhaitée par l’initiative. Nous doutons, finalement, qu’elle réponde aux besoins réels des ménages genevois.
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7. Un loyer avantageux : vraiment ?
Les initiants avancent que le loyer des coopératives LUP serait plus avantageux qu’un autre. Nous pensons que ce n’est pas le cas, au contraire.
Il s’agit, en réalité, de comparer des loyers de coopératives LUP en droit de superficie et des loyers de locatifs LUP classiques. Cette comparaison est la seule pertinente au regard du fait, comme nous l’avons vu, que l’initiative prévoit une substitution de logements locatifs LUP par des coopératives LUP[2].
Les loyers des coopératives LUP en droit de superficie, bien que contrôlés par l’Office cantonal du logement et de la planification foncière (OCLPF) comme les locatifs LUP, subissent des surcoûts liés à la rente de superficie. Ils doivent aussi absorber les surcoûts relatifs à un financement de 95% de fonds étrangers et à un amortissement obligatoire en raison de l’échéance du droit de superficie. Ainsi, l’on ne voit pas comment ils pourraient être moins onéreux que des locatifs LUP classiques, au contraire.
A cela s’ajoute l’inconvénient, pour le locataire, d’acquérir des parts sociales (CHF 20’000 à CHF 50’000)
Les initiants affirment encore que les loyers des coopératives LUP seraient moins chers dans le temps car ils augmenteraient moins que d’autres. C’est peut-être vrai si l’on parle des loyers du secteur libre. Il est toutefois erroné de dire que les loyers des coopératives LUP augmentent moins que des loyers locatifs LUP alors qu’ils sont tous contrôlés par l’OCLPF pour une période de 20 à 50 ans.
En réalité c’est le statut LUP et leur contrôle par l’Etat qui assure que ces loyers sont relativement bas, et non pas le statut de coopérative en droit de superficie, au contraire. Encore une fois, remplacer le locatif LUP par de la coopérative LUP n’apporte aucune solution et va même péjorer la situation en diminuant la part de logements réellement et facilement accessibles aux revenus modestes. En somme, l’initiative complexifie l’accès aux logements d’utilité publique.
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Quelles alternatives à l’IN180? Comment développer les coopératives?
1. Constater que la politique menée avantage déjà les coopératives
La politique menée par le département du territoire favorise déjà très largement les coopératives depuis plus d’une décennie. Celles-ci bénéficient déjà de multiples avantages :
- Exonérations fiscales (Impôt immobilier complémentaire, bénéfice et capital, droits d’enregistrement) – Cautionnement par l’Etat de Genève (95% en cas de logements subventionnés)
- Attributions de terrains par la Fondation pour la Promotion du Logement bon marché et de l’habitat Coopératif (FPLC)
- Attributions de terrains par la Fondation Praille Acacias Vernets (FPAV)
Au 31 mars 2024, 132 coopératives étaient propriétaires de 12’400 logements. Cela correspond à 7,15% du parc locatif cantonal[3].
Le nombre de logements coopératifs est en hausse dans le canton. Une tendance qui sera renforcée par la volonté de la FPLC de céder 100’000 m2 de terrains aux coopératives, tandis que la FPAV leur attribuera, elle, 40% des droits à bâtir des logements du périmètre. Cela représentera plus de 3000 logements.
2. Faire usage des terrains qui sont déjà en mains publiques
L’Etat, ses fondations immobilières de droit public, ses établissements publics autonomes, les communes et leurs fondations immobilières sont les plus grands propriétaires immobiliers du canton. Ils possèdent déjà plus de 50% des mètres carrés bâtis du canton et de très nombreuses parcelles non-bâties ou à développer.
Un défaut majeur de l’initiative est de renforcer l’étatisation du sol par le biais de l’expropriation des privés, alors même que les collectivités disposent de droits à bâtir encore inexploités.
3. Identifier les besoins de la population
A de réitérées reprises, le Grand Conseil a demandé au Conseil d’Etat de mettre au point des instruments mesurant la demande de logements à Genève. La dernière fois, en 2020, le texte de la première invite était libellé comme suit : « (…) invite le Conseil d’Etat :
– à développer un outil permettant de déterminer, de manière scientifique, les divers besoins de la population pour chaque catégorie de logement (HBM, HLM, HM, loyer libre, coopérative, PPE, …) La réponse a toujours été la même :
« A la première invite de la présente motion, le Conseil d’Etat propose de privilégier une approche plus globale et s’inscrivant dans la durée. En effet, les immeubles de logements sont destinés, quelle que soit leur typologie, à répondre aux besoins de la population qui ne manqueront pas d’évoluer au cours du temps, selon les fluctuations de cette dernière.[4] »
Dans une région dynamique, où les pressions sur l’espace sont fortes et les besoins en constante évolution, l’aménagement du territoire ne peut se faire « à l’aveugle ». On attend d’un canton comme Genève qu’il se dote d’outils de projection fiables pour répondre aux besoins actuels et futurs de ses habitants. A cette fin, il est indispensable de quantifier, localiser et différencier les types de logements nécessaires. Sans cela, l’on navigue à vue. On ne peut dès lors que regretter la réponse fermée du Conseil d’Etat, qui péjore durablement la politique du logement à Genève.
4. Lutter contre la pénurie de logements
Il s’agit de lutter contre la pénurie de logements afin de soulager la population genevoise, et non simplement de substituer certaines catégories de logements à d’autres, sans connaissance de la composition de la demande de logements. Encore moins en expropriant les privés ou en détournant les fonds destinés à la réalisation de logements pour les personnes ayant les revenus les plus modestes.
Nos propositions sont exposées dans le document suivant, auquel nous renvoyons aimablement : https://www.cgionline.ch/alliance-suisse-pour-le-logement/
Conclusions
L’initiative 180 déstabiliserait la politique du logement en préconisant que presque tous les logements neufs soient construits non seulement sous forme de coopérative, mais sous forme de coopérative LUP (avec contrôle du taux d’occupation et des revenus). La diversité des besoins des Genevois ne peut être niée, qu’ils cherchent à accéder à des logements subventionnés, à louer ou à acheter.
Faire usage de l’expropriation des privés et détourner les fonds jusqu’ici réservés à la construction des logements (HBM) destinés aux personnes dont les revenus sont les plus modestes est totalement disproportionné.
A cela s’ajoutent, pour les coopératives qui seraient issues de l’initiative, les règles des logements LUP (contrôle des revenus et des taux d’occupation) ainsi que les charges des droits de superficie. Il en résulte des logements truffés de contraintes techniques et dont les loyers ne seront pas meilleur marché que des logements LUP en location classique.
L’on ne voit pas l’avantage qu’apporteraient les logements que l’initiative 180 entend imposer, bien au contraire ! Ainsi et parce qu’elle ne répond pas aux besoins de la population, nous invitons à refuser l’IN180 « Pour + de logements en coopérative ».
[1] Les concepts évoqués sont plus détaillés dans le glossaire qui fait partie intégrante de ce document
[2] Cf. page 3 au milieu de la page.
[3] https://www.ge.ch/actualite/mise–jour–du–recensement–cooperatives–habitation–geneve–2–10–2024